Ma première traversée, ou mon enfer sur mer !

En plein milieu de la saison des pluies, île de Huahine, au nord de Tahiti…

Un paysage sauvage et préservé de la Polynésie, probablement le cadre le plus magique au monde pour y naviguer.

Je viens d’y acheter un petit voilier dont je suis tombé amoureux dès mon arrivée dans ces îles, où vivre sur un voilier était pour moi comme un rêve auquel je n’osais penser, la peur d’être déçu de ne jamais le réaliser.

Première tentative

Après une première semaine à vi re sur le bateau pour y prendre mes marques, je décide de faire une première traversée au moteur vers le sud de l’île.

Le moteur tourne, le stress monte et les amarres sont jettes pour la première fois ! L’aventure commence.

Marche avant, j’accélère, nous faisons 30 mètres en disant au revoir aux autres bateaux… et là…. Le moteur devient instable. Grosse perte de puissance, à la limite de s’arrêter. Plein gaze !!! Il tourne à peine au-dessus du ralenti, je n’avance presque pas…

Je n’avais pas préparé de voiles, par manque d’expérience. Seule solution, retourner s’amarrer sur la boue que l’on vient de quitter.

Demi-tour, le bateau avance tellement lentement, il y a du vent, du courant et je vois déjà mon bateau échoué sur la barrière de corail…. Je n’ai pas encore accepté le devis de mon assurance… À cet instant je me maudis de détester autant l’administratif…

Par miracle, on réussit à passer devant un magnifique voilier bleu qui a dû avoir peur pour l’avant de son navire. On s’approche de la bouée et ma chérie, gaffe à la main, réussi à l’attraper.

Je mets le point mort, le moteur s’étouffe immédiatement, je cours à l’avant pour aider, le bateau est attaché…. Sauvés !

Le stress descendu, je suis allé demander de l’aide au voilier bleue, Troels un danois, m’aide à piéger le moteur et effectivement, il tourne correctement, il est stable. J’avais mal purgé l’air du moteur, mal enfoncé la pompe manuelle…

Troels me dit que demain, il va vers le sud et me propose d’y aller ensemble. En cas de problème je pourrai lui lancer une corde et il me remorquera jusqu’au sud. Mais pour lui, le moteur est ok.

Effectivement, le lendemain nous arrivons dans le sud, après 2 heures de navigations. Troels m’aidera même à jeter ma première ancre ! Adorable…

Après 3 jours à faire connaissance, Troels m’informe qu’il doit aller sur Raiatea. Moi aussi, je dois faire réviser mon moteur et je ne trouverai personne ici.

Il me propose de partir ensemble, j’accepte avec un immense soulagement et nos parton le lendemain matin, 7H et les ancres sont levées.

Nous restons en lien avec Whatsapp et la VHF, canal 6… toujours avoir 2 options au cas où, un truc de navigateur expérimenté.

2H pour remonter vers le nord de l’île au moteur, tout va bien. Les paysages sont magnifiques, j’en profite pour expliquer les rudiments de la voile à ma chérie, et lui dit que une fois dehors, je hisserai les voiles et l’on éteindra le moteur. Il se passe alors un instant magique, où l’on entend que le bruit des vagues contre la coque et le frémissement des voiles…

Virage à gauche, enfin… bâbord toute !!! Et voici ma première entrée dans un océan en tant que capitaine d’un bateau.

Je bosse les voiles, mais malheureusement, pas de vent. Nous garderons donc le moteur.

Je remarque que l’écoute (la corde) qui permet de tendre ma grand-voile, est bloquée par un “taquet coinceur” qui a visiblement fait son temps. La corde glisse entre ses mâchoires en plastique au lieu d’y être bloquée. Conséquence, l’écoute de grand-voile est relâchée de manière aléatoire, assez énervant. Je fais un nœud pour éviter que ça ne recommence, on s’occupera de ça “un jour ou l’autre”, pour le moment, je profite du spectacle et fais quelques vidéos, avant qu’un grain à l’horizon ne vienne changer le paysage…

Petit message avec Troels, tout va bien. Tiens, la VHF s’était éteinte toute seule, bizarre…

Nous arrivons dans une zone où des vagues se croisent, avec peu de vent, le cocktail parfait pour un bon mal de mer… Ma chérie va se coucher dans la cabine avant. Fatiguée par le médicament pour le mal de mer, qui l’envahit malgré tout.

Contact avec Troels qui est maintenant loin devant… je commence à me sentir un peu seul dans cette traversée, quand soudain…

Le moteur s’arrête… et je dois avouer que ce moment n’avait vraiment rien, de magique !

Je m’active dans tous les sens, purge à nouveau, et après plusieurs tentatives, le moteur repart ! Ouf !

La houle croisée est bien présente, encore 20 minutes passent et, le moteur s’arrête à nouveau.

Cette fois-ci, impossible de le redémarrer !

La VHF était encore éteinte, je la rallume et préviens Troels. Il me dit de continuer à la voile et si j’ai vraiment un problème en arrivant vers Raiatea, il m’enverra un pêcheur pour me remorquer. La houle est maintenant devenue trop forte pour qu’il puisse approcher son bateau du mien sans risques.

L’île approche, très peu de vent, la VHF À NOUVEAU ÉTEINTE, je remets le fusible mais cette fois, elle reste éteinte… ma VHF vient de me lâcher…

Sentant les choses tourner mal, je décide de contacter Troels sur whatsapp !

Après mon message, je reçois un message en espagnol, de la part d’un équatorien qui me promet ne rien comprendre à mon message et ne pas savoir qui je suis….

J’aurais trouvé la blague pas drôle si Troels parlait espagnol, mais voilà. Troels ne parle pas espagnol, et je crois que je viens de perdre tous moyens de le contacter.

Je suis maintenant tout seul pour finir cette traversée, je prends cela comme une mise à l’épreuve et je suis plus que motivé à relever le défi…

La passe se rapproche et je prends un énorme grain sur la tête, beaucoup de vent, les voiles bien tendues, le bateau penche, puis se redresse d’un coup, la grand-voile qui se relâche à cause de ce satané taquet coinceur….  Je refais un nœud et commence à sentir le stress monter.

La pluie sur mon iPhone rend l’utilisation de l’application de navigation très compliquée… l’iPhone fait n’importe quoi et je dois trouver le temps de le sécher pour retrouver les indications.

Le grain passe et avec lui, le vent…. Calme plat… pas de vent, pas de moteur…, je le sens moins bien.

Le vent commence à monter, les vagues grossissent et j’arrive à passer l’entrée de la passe de Raiatea, non sans mal.

Une fois dans le lagon, le vent se renforce, beaucoup. Le génois est trop bordé, le bateau prend beaucoup de vitesse, je regarde la carte et les profondeurs ici il y a des hauts fonds au milieu du lagon, je suis obligé d’y faire très attention, si je ne veux pas planter mon bateau dans les coraux…

Je dois maintenant aller vers le sud et me retrouve face au vent. Pas le choix, je vais devoir faire des zigzags pour remonter dans le lagon.

Premier virement de bord, le nœud de la grand-voile est difficile à défaire, c’était une mauvaise idée ce nœud. Je me rapproche un peu trop de l’île, je vire !

Je lâche l’écoute du génois d’un côté et commence à la border de l’autre côté !

Quand je remarque que les cordes sont coincées à l’avant du bateau dans un tas de merdier et de trucs en plein milieu du pont.

Pas le choix, je vais devoir aller à l’avant attaché à ma ligne de vie. Mais avant, je borde la grand-voile, je prends enfin de la vitesse.

Je remonte à l’avant du pont, ma ligne de vie se prend elle aussi à différents endroits, je dégage les cordes du génois et en repartant dans le cockpit je glisse sur le pont et me prends une superbe pelle, je me suis bien ramassé !

Je tends mon génois, j’avance !

La grand-voile lâche, je la retiens maintenant à la main.

Un coup d’œil sur l’indicateur de profondeur, il affiche 1M50 de profondeur !!!! IMPOSSIBLE…

Je regarde sort mon iPhone, il est trempé, je le sèche et non… je suis bien au milieu de la baie il y a 25 mètres de fond… je ne peux donc plus lui faire confiance à lui non plus….

Je vais bientôt virer de bord, mais ayant lâché la corde, la grand-voile lâche, je perds de la vitesse, la retend, récupère un peu de vitesse mais quand je vire de bord, visiblement je n’en avais pas assez et mon génois est resté tendu du mauvais côté. J’avais pourtant relâché la corde… Je vois qu’elle est coincée dans l’échelle qui permet de remonter sur le bateau. Oui, sur les petits bateaux, elle est parfois sur le côté, comme c’est le cas ici, et la corde du génois passe devant, bloquée dans un support…

Du coup le bateau n’arrive pas à tourner et repart droit vers les coraux… pas le choix je dois libérer le génois, je cours, je libère la corde, je repars et l’assaut de la grand-voile relâchée à nouveau….

Je vire de bord et j’ai bien du mal à reprendre de la vitesse…

A ce moment, je comprends que je n’arriverai pas à remonter toute cette distance dans ces conditions pour atteindre la baie…

Je ne crois pas en dieu, encore moins aujourd’hui, mais je sais qui je peux appeler à l’aide !

Je hurle à l’aide, ma chérie se lève, malade. Je lui demande si elle peut essayer de faire fonctionner manuellement la pompe du moteur… quand on la faisait fonctionner avec Troels à HUAHINE, parfois le moteur fonctionnait mieux…. Et s’il pouvait repartir… ?!?

Elle accepte et après quelques essais le moteur commence à démarrer… ma chérie active la pompe et… ça marche !

Je remonte enfin face au vent, en ligne droite vers la baie, on s’écarte des coraux… SAUVÉS !

Ma chérie a tenu 20 minutes jusqu’à la baie, seule, face au régime assourdissant du moteur.

Je vois une bouée de libre, je la rassure en lui disant que “ça y est… on y est presque”, je fonce à l’avant, j’attrape la bouée et attache rapidement le bateau…. Enfin, on est en sécurité…

Le moteur s’éteindra tout seul une fois de plus, ma chérie me rejoint à l’avant du pont et après 9 heures à me débattre dans ces épreuves, je fonds en larme dans ses bras en la remerciant de nous avoir sauvés….

Je suis épuisé… il règne dans cette baie un silence absolu, sans un souffle de vent. Je regarde attentivement ce pont de bateau, si calme, qui était encore mon enfer il y a quelques minutes…

Les voiles sont retombées où elles ont pu, au milieu des cordes et des bidons, Il y en a partout…

A cet instant, je me jure que “plus jamais ça” !

Epilogue…

Je me suis rapidement occupé de faire réparer le moteur et avec l’aide d’un bon mécanicien et de quelques recherches, j’ai compris bien des choses sur ce qui s’était passé !

Premièrement, la pompe d’injection de gasoil du moteur était HS. Et ne fonctionnait plus que manuellement. Le problème existait depuis un long moment, mais l’ancien propriétaire ne pouvait pas s’en rendre compte car il gardait toujours son réservoir presque plein et la hauteur du réservoir était suffisante pour “pousser” le gasoil jusqu’au moteur.

Il m’avait dit que le réservoir était presque plein, et quand j’avais voulu le remplir un peu avant de partir, après 4 litres d’ajoutés, le trop plein débordait, je pensais donc que c’était vrai, le réservoir était forcément plein.

Mais voilà…. Le trop plein, ce petit tuyau qui fait ressortir l’air du réservoir quand on le remplit, formait à un endroit un coude vers le bas, qui contenait du gasoil. Et en remplissant le réservoir, l’air à chassé le gasoil contenu dans le coude, me faisant croire que le réservoir était plein, alors qu’en réalité, il était presque vide !

Et dans la houle croisée, il n’y avait plus assez de gasoil dans le réservoir pour pousser le carburant et faire tourner le moteur, encore moins pour le rallumer…

Ce n’est que dans une mer calme, comme dans le lagon face au vent, que cela pouvait fonctionner encore un peu.

La VHF avait un deuxième fusible au niveau des batteries… impossible à deviner, et c’est ce deuxième fusible qui avait sauté pendant la traversée… 

Quant à Troels, il utilisait encore sur Whatsapp un vieux numéro de téléphone de l’époque où il était en équateur. Le numéro venait d’être réattribué à ce pauvre équatorien qui a dû me prendre pour un taré…

Troels m’as bien fait marrer quand il est passé à côté de mon bateau en revenant du supermarché en me disant “heyy t’es arrivé avant moi !!!”

Mon ami….  Si tu savais….

Enfin, j’ai changé le taquet coinceur, rangé le pont, fait le plein de gasoil et j’ai beaucoup, beaucoup pris soin de celle qui m’as un jour sauvé de mes enfers…

Je suis en revanche resté très suspicieux quant aux informations que me donne mon indicateur de profondeur, rien n’est jamais parfait sur un bateau 😉

Depuis cette première expérience, les navigations sont devenues un véritable bonheur dans les eux paradisiaques de la Polynésie.

J’ai énormément appris lors de cette première traversée, mais j’aurais apprécié que tous ces enseignent, basés sur des emmerdes, n’arrivent pas toutes en escadrons, dès la première fois…

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Un Commentaire

  1. Thanks for your blog, nice to read. Do not stop.

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